Adoptée le 31 mai 2024, la Sixième Directive Anti-Blanchiment d’Argent (AMLD6) marque une avancée majeure dans le cadre réglementaire européen en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette directive s’inscrit dans la continuité des précédentes (AMLD4 et AMLD5) en intégrant des mesures plus strictes et une harmonisation renforcée pour les États membres de l’Union européenne.
Les nouveautés apportées par l’AMLD6
- Harmonisation des infractions principales :
- L’AMLD6 définit une liste uniformisée de 22 infractions principales comme prédicats au blanchiment d’argent, incluant la participation à une organisation criminelle, le trafic de drogue, la corruption, la fraude fiscale et la cybercriminalité.
- Cette harmonisation vise à améliorer la coopération entre les États membres et à faciliter les enquêtes transfrontalières.
- Responsabilité pénale des personnes morales :
- Les entreprises, notamment les institutions financières, peuvent désormais être pénalement responsables en cas de non-conformité. Les sanctions incluent des amendes importantes, l’interdiction d’exercer certaines activités ou des restrictions financières.
- Renforcement des sanctions :
- Les peines minimales pour les infractions graves liées au blanchiment d’argent sont portées à quatre ans d’emprisonnement, avec des sanctions supplémentaires pour dissuader les récidives.
- Criminalisation de l’auto-blanchiment :
- Pour la première fois, l’auto-blanchiment est explicitement criminalisé. Cela signifie que l’utilisation de fonds illicites obtenus par une personne pour une activité légale est désormais une infraction distincte.
- Renforcement de la coopération internationale :
- L’AMLD6 facilite les enquêtes transfrontalières et l’échange d’informations entre les autorités compétentes, ce qui est essentiel dans un contexte de criminalité globalisée.
Évolutions par rapport aux directives précédentes
- AMLD4 (2015) :
- Introduction des registres centraux des bénéficiaires effectifs pour une transparence accrue.
- Approche fondée sur les risques pour adapter les mesures de vigilance en fonction du profil du client.
- AMLD5 (2018) :
- Surveillance des cryptomonnaies et des fournisseurs de portefeuilles électroniques.
- Accès élargi aux registres des bénéficiaires effectifs pour les autorités compétentes et le public.
L’AMLD6 va plus loin en harmonisant les sanctions, en criminalisant l’auto-blanchiment et en imposant une coopération accrue au niveau international.
Consignes pratiques pour les courtiers d’assurance
Les courtiers d’assurance sont directement concernés par l’AMLD6, en particulier dans les domaines de la conformité et de la gestion des risques. Voici les meilleures pratiques à adopter pour rester en conformité :
- Évaluation des risques liés à la clientèle :
- Adoptez une approche fondée sur les risques (Risk-Based Approach) pour identifier les clients ou transactions à haut risque, comme ceux situés dans des juridictions à haut risque ou impliqués dans des secteurs sensibles (immobilier, cryptomonnaies).
- Mettez à jour régulièrement vos procédures d’évaluation en fonction des nouvelles menaces.
- Renforcement des contrôles de vigilance (KYC) :
- Vérifiez systématiquement l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs.
- Utilisez des outils numériques pour automatiser et renforcer les contrôles (passeports, registres des entreprises).
- Identifiez les bénéficiaires des polices d’assurance vie et les structures complexes d’entreprises.
- Mise en place d’un dispositif de conformité interne :
- Créez un manuel de conformité incluant des processus pour détecter et signaler les comportements suspects.
- Nommez un responsable conformité dédié pour superviser les mesures AML (Anti-Money Laundering).
- Archivez les données et documents relatifs aux clients et transactions pendant au moins 10 ans, comme l’exige l’AMLD6.
- Surveillance des transactions :
- Analysez les transactions inhabituelles ou complexes, en particulier celles impliquant des montants élevés ou des transferts transfrontaliers.
- Signalez les transactions suspectes aux autorités, comme TRACFIN en France.
- Sensibilisation et formation :
- Organisez des formations régulières sur les réglementations AMLD et les typologies de blanchiment.
- Sensibilisez vos équipes à identifier et signaler tout comportement douteux.
- Utilisation d’outils numériques :
- Intégrez des solutions de surveillance automatique pour détecter les anomalies et les clients figurant sur les listes de sanctions (OFAC, ONU, UE).
- Digitalisez les procédures KYC pour améliorer l’efficacité et limiter les erreurs.
- Coopération avec les partenaires :
- Exigez la conformité des sous-traitants et partenaires, notamment les tiers qui traitent les données clients.
- Effectuez des audits réguliers pour garantir leur respect des règles AML.
Impact pour les courtiers d’assurance
Les courtiers, en tant qu’intermédiaires financiers, jouent un rôle crucial dans la détection et la prévention du blanchiment d’argent. L’AMLD6 les oblige à aller au-delà des simples vérifications de routine et à renforcer leurs dispositifs de contrôle. En adoptant une approche proactive et en s’équipant d’outils modernes, les courtiers peuvent non seulement se conformer à la réglementation, mais aussi renforcer la confiance de leurs clients et partenaires.
En résumé :
L’AMLD6 est une opportunité pour les courtiers de moderniser leurs processus, d’améliorer leur gestion des risques et de contribuer activement à un système financier plus transparent et sécurisé.